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16 septembre 2008 2 16 /09 /septembre /2008 07:41

Devant la Commission Vérité Réconciliation du Liberia, Prince Johnson, ancien chef de guerre, connu pour sa brutalité -notamment pour avoir fait filmer ses hommes torturant à mort le président Samuel Doe en 1990- a fait des révélations dont les médias ont déjà commencé à s’en faire l’écho. Et pour cause ! Devant une foule nombreuse, que la salle d’audition n’a pu contenir, l’ancien chef de guerre a, comme on dit, cassé l’œuf.


Il se rapportait, c’est bien connu depuis longtemps, beaucoup de choses sur la responsabilité directe ou indirecte des Américains dans les atrocités commises par Charles Taylor. Ce dernier et d’autres Libériens étaient également tenus dans bien de cercles, pour les éléments moteurs du renversement du Conseil national de la Révolution (CNR) et de l’assassinat de Thomas Sankara. Il n’est jusqu’à l’OUA dont on ne disait qu’elle avait accordé en sous main des coups de pouce au « Rouquin » et à sa bande pour aller faire sa fête à Samuel Doe. Mais dans tous les milieux incriminés, on tenait ces choses pour des « on dit » et on avait alors beau jeu, en dehors de preuves et de témoignages tangibles, de les mettre au compte des bobards et des éternelles élucubrations de Dame rumeur. Avec les dévoilements de Prince Johnson, acteur direct, c’est tout autre chose, la perspective change fondamentalement. Ces allégations acquièrent maintenant de la substance et partant, relancent le débat sur des questions qui commençaient, il faut le reconnaître, à tomber en désuétude. Tenez donc !

A propos des Américains, Prince Johnson fait d’abord savoir que, contrairement à l’opinion jusqu’alors répandue, Charles Taylor, comme tout bon prisonnier rebelle à la prison et à la claustration, ne s’est pas «cassé », fait la « malle » à l’heure du laitier, de la célèbre prison de Boston. Diable que non ! Il s’en est allé, les portes ouvertes par ses geôliers, à la faveur d’un contrat : la liberté contre la vie de Samuel Doe. C’était ça la prime du chasseur plus forcément, quelques à côtés ; il faut bien avoir les moyens de sa mission ! Que par la suite, les attentes soient par la force des choses, allées au-delà des espérances (amenant Charles Taylor, sollicité pour d’autres contrats, à avoir d’autres trophées), c’est une chose ; il n’en reste pas moins qu’on n’avait pas si tort que cela de mettre en relief une certaine responsabilité des Américains dans les hauts faits de l’écumeur de Monrovia. Pardi, il n’est pas venu à l’idée du Docteur Frankenstein de se défausser de toute responsabilité lorsqu’il a vu tout ce que le monstre qu’il a créé, produisait comme horreurs ! Il est donc à prévoir que, sur ce point précis des propos de Prince Johnson, il puisse se formuler des demandes de rectification et de précision historique, et voire même peut-être de témoignages et pourquoi pas, de dédommagements judiciaires. Car si en dépit de toute considération, les Américains accordent des dédommagements pour les dégâts causés par leurs bombardements en Libye, ils peuvent aussi le faire pour les torts que Charles Taylor a causés au Libéria et dans bien de pays de l’Afrique de l’Ouest.

A propos du coup d’Etat fait au CNR, Prince Johnson affirme ensuite que Taylor et lui ont été sollicités pour participer à l’élimination de Thomas Sankara : «Quand nous avons été là-bas (au Burkina Faso), on nous a dit que nous serions arrêtés si nous ne coopérions pas pour renverser Sankara parce qu’il était opposé à notre plan» (pour renverser Doe). On nous a demandé de rejoindre une unité spéciale des armées burkinabé pour le destituer. C’est comme ça que Thomas Sankara a été renversé ». (Site www.imagazinefr.wordpress.com). Là aussi, on n’était donc pas dans le faux lorsqu’on avançait que des Libériens s’étaient entre autres chargé du « job ».

Alors qu’au niveau de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies et des Nations Unies en général, le dossier Sankara semblait parti pour un enterrement en grande pompe, il n’est pas impossible que sa famille, les avocats constitués dans le dossier et ses multiples partisans, boostés par ces aveux, redoublent d’ardeur pour exiger la réouverture du dossier au Burkina Faso, et d’une manière générale, sa réactivation. Déjà, certains journaux comme Fraternité Matin suggèrent par des constatations, des questions essentielles : « Prince Johnson n’a pour autant pas précisé quels étaient les commanditaires de l’assassinat de Thomas Sankara » (Edition du 27 août 2008).

Quant à l’OUA devenue UA, sans détours, Prince Johnson avoue enfin que dans cette affaire, tout ce qu’ils ont fait était sur instruction de l’organisation continentale. On voit la ligne de défense esquissée au cas où … : eux n’étaient que des exécutants. A ne pas oublier ! On savait que pour des raisons politiques mais aussi familiales, Houphouët Boigny ne portait pas -mais pas du tout alors dans son cœur- Samuel Doe ; on savait aussi qu’à plusieurs reprises, Blaise Compaoré avait laissé entendre que s’il avait été consentant pour une intervention de Charles Taylor au Libéria, c’était pour des raisons somme toute humanitaires, mais on ne savait pas que l’organisation africaine avait été au-dessus de tous ! Elle aurait donc été le commanditaire en chef, l’un des bras armés de l’opération. Il y a là aussi, des relectures à opérer et voire même éventuellement des appels en cause judiciaires pour partage de responsabilités.

Ces dénonciations, on le comprend maintenant, n’entretiennent pas pour rien autant de questionnement, d’interrogation, de critique, de supputation... Cela va-t-il influencer le procès Taylor à La Haye ? Les langues vont-elles encore plus se délier à Monrovia ? Les constitutions de parties civiles vont-elles s’ensuivre ?

Bref, retenons que si de bien entendu, il n’en manque pas pour mettre leur main au feu que tout ce tohu-bohu durera le temps d’une rose pour finir par tomber dans la trappe de l’oubli et de l’indifférence (trop de puissants étant impliqués et la communauté internationale ayant d’autres chats à fouetter) il en est aussi pour en douter, jusqu’à parier voire même surenchérir sur leur effet boomerang ! Le temps les départagera.

La Rédaction

San Finna N°478 du 01 au 07 Septembre 2008
"Il n'est de Liberté qu'en dehors de l'Abus
mais il n'est de Liberté sans capacité de refus"

http://www.sanfinna.com/aucourantdelaplume.htm

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