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19 août 2012 7 19 /08 /août /2012 12:50

OKNous voici aujourd’hui  en 2012, cinquante-deux ans après la décolonisation. Quel sens pour nous d’être tchadien ? Y-a-t-il vraiment quoi que ce soit à commémorer aujourd’hui ou faut-il au contraire tout reprendre ? A qui la faute ? Comment en est-on arrivé là? Quelle est la part de responsabilité des uns et des autres dans ce tableau plus que sombre ? Telles sont, entre autres, des questions qu’on ne saurait se poser en ce jour de fête de notre indépendance.

 

Sans forcément jeter de l’anathème sur qui que ce soit, il y a tout de même lieu de dire et de dénoncer certaines réalités, certaines pratiques qui sont, hélas, à l’origine de la déliquescence actuelle de notre Etat.

Ces réalités sont là, très dures, très tristes : restauration autoritaire, multipartisme administratif et liberté de presse au demeurant vide de sens, niveaux très élevés d’injustice et de violence sociales dans le pays; un climat de suspicion, de ni guerre et ni paix,  de conflits larvés permanents sur fonds d’une économie d’extraction qui, dans le droit fil de la logique mercantiliste coloniale, continue de faire la part belle à la prédation – voilà, je dirais en introduction, le paysage d’ensemble que nous fêtons aujourd’hui 11 août.

Alors la question la plus pertinente est justement celle de savoir le comment de la chose : comment en étions-nous arriver là ?


La première constatation est que depuis l’accession de leur pays à l’indépendance, les tchadiennes et les tchadiens n’ont toujours pas eu à choisir librement leurs dirigeants. Le pays est aujourd’hui à la merci de satrapes dont l’objectif unique est de rester au pouvoir à vie. Du coup, la plupart des élections sont truquées y compris, dans certains cas, avec l’aide des techniciens mis à disposition par la puissance coloniale, la France et payer avec de l’argent des contribuables français. On sacrifie ainsi aux aspects procéduraux les plus élémentaires de la concurrence, mais l’on garde le contrôle sur les principaux leviers de la bureaucratie, de l’économie, et surtout de l’armée, de la police et des milices au service non pas de l’Etat mais du clan au pouvoir et des intérêts capitalistes étrangers à ceux des tchadiennes et tchadiens. Ce qui est triste pour le Tchad et pour les tchadiens, c’est que des puissances étrangères s’associent à ce jeu macabre d’assassinat de la démocratie et de privation des libertés. Le processus démocratique est ainsi bloqué en permanence et les manipulations électorales successives préparent, en faite, la succession du père par le fils qu’on est entrain d’initier aux affaires. Voilà la réalité au Tchad d’aujourd’hui : nous vivons de facto, non pas dans un Etat, mais sous dans un sultanat masquée en République.

 

La possibilité, dans ces conditions, de renverser le gouvernement par la voie des urnes n’existant plus, je pense et continue à le croire fermement que seuls l’assassinat, la rébellion ou le soulèvement armé peuvent venir contredire le principe de cette continuation indéfinie du pouvoir illégitime et honni d’Idriss Deby.

 

Maintenant, où en allons-nous avec la situation politique dans notre pays? Où se situe le ou les problèmes, les difficultés ?

Quelques tendances lourdes sont observables. La première tendance lourde qui saute aux yeux du lambda tchadien, est l’absence d’un réel projet démocratique, l’absence d’une pensée de la démocratie qui constituerait une véritable alternative au modèle prédateur et sanguinaire mis en place depuis le 1er décembre 1990 et qui continue à prendre en otage le peuple tchadien tout entier.


La deuxième tendance lourde observable est le recul, dans notre pays, de toute perspective de révolution sociale radicale. Le peuple, en particulier notre jeunesse est irradiée et semble renoncer à ses libertés pour venir les mettre, chaque matin, aux pieds du dictateur.

 

La troisième tendance est la sénilité progressive du pouvoir dictatorial d’Idriss Deby. Idriss Deby est, en effet, au pouvoir depuis 1982 et tout seul aux commandes du Tchad depuis 1990. Plus il s’éternise au pouvoir, plus il devient hystérique et carnassier, et plus les contours de sa succession familiale se dessinent ! 


La quatrième tendance lourde de ce triste décor est, malheureusement, l’enkystement de pans entiers de la société tchadienne et l’irrépressible désir, chez des millions de nos compatriotes, de vivre partout ailleurs sauf chez eux. Autrement dit, le désir généralisé de défection et de désertion nationales.

 

À ces constats s’ajoute bien évidemment un autre : l’émergence et le renforcement, ces vingt dernière années, d’une culture de racket, je dirais une guerre de pillage des ressources nationales dont seul le régime d’Idriss Deby connaît le secret. Depuis le 1er décembre 1990, en effet, le Tchad est soumis à une violence et une brutalité politiques sans précédent. Aujourd’hui au Tchad n’importe qui enturbanné avec une kalachnikov en bandoulière qui se fait passer pour un zakawa peut entrer dans n’importe quelle maison au Tchad, tuer un ou tous ses habitants et en sortir tranquillement sans être inquiété. Le Tchad est ainsi livré depuis le 1er décembre 1990 à une bande d’assassins, de pillards et de filous qui n’ont comme seul langage connu : la violence, le vol, la razzia, des éléments constitutifs de leur culture; une violence portée par les «  cadets sociaux »[1] dont « l’enfant-soldat » et le « diplômé sans-travail »  constituent les tragiques symboles. Une sorte de chasse sportive sanglante qui est aussi entretenue en permanence par les forces sociales occultes qui sont parvenues à coloniser l’appareil d’État.

Le pire est que cette violence sans projet politique alternatif se radicalise et devient en quelque sorte banale. Ce qui provoque le raidissement actuel du pouvoir qui, bien qu’illégitime et amputé de toutes ses prérogatives classiques, continue à bénéficier du soutien d’une classe de bouffons et autres griots opportunistes qui en a fait l’instrument de son enrichissement personnel et une ressource privée d’accaparements en tous genres, dans le contexte de la lutte quotidienne soit pour l’accumulation, soit pour la survie pure et simple. Quitte à détruire l’État, l’économie et les institutions. Cette classe de bouffons est d’ailleurs prête à tout pour que le maître conserve le pouvoir. La politique n’étant d’ailleurs à ses yeux qu’une manière de conduire la guerre civile ou la guerre ethnique par d’autres moyens.

Ce sombre tableau ne signifie pas qu’il n’existe aucune saine aspiration à la liberté et au bien-être au Tchad. Les tchadiens aspirent bien à la liberté, au confort et au bien-être de leurs enfants et ils le méritent ! Simplement que ce désir, cette aspiration peine encore à trouver un langage alternatif cohérent, des pratiques effectives, et surtout une traduction dans des institutions nouvelles, et/ou une culture politique neuve où le pouvoir n’est plus un jeu à somme nulle. Et c’est ici que réside notre devoir à nous de la résistance. Nous avons le devoir de proposer aujourd’hui même ce langage alternatif cohérent au peuple tchadien. Nous y sommes condamnés, maintenant. L’heure n’est plus à la langue de bois.


Pour que la démocratie puisse s’enraciner au Tchad, il faudrait qu’elle soit portée par des forces sociales et culturelles organisées ; des institutions et des réseaux sortis tout droit du génie créateur tchadien ; il nous faut de la créativité et surtout une lutte des forces politiques et sociales tchadiennes elles-mêmes et de leurs traditions propres de solidarité. Il nous faut aussi, dans la rectitude morale et la probité intellectuelle, une Idée forte et audacieuse dont cette « solidarité » serait la métaphore vivante et absolue. Nous devons, en particulier réarticuler le politique et le pouvoir autour de la critique des formes de vie, ou plus précisément de l’impératif de nourrir les « réserves de vie ». Nous pourrions ainsi ouvrir la voie à une nouvelle pensée de la démocratie, non pas à la française, mais puiser dans nos rochers culturels. Il s’agit de l’impératif de nourrir des « réserves de vie » dans un pays où le pouvoir de tuer en toute impunité reste illimité aux mains de quelques groupuscules qui se font appeler « dirigeants », dans ce pays, le Tchad où la pauvreté et la maladie rendent l’existence humaine horriblement précaire. C’est une nécessité. De nécessité, une telle pensée devrait être une pensée de l’émergence et du soulèvement. Mais ce soulèvement devrait aller bien au-delà du simple anti-debyiste  dont les limites sont désormais flagrantes, ces dernières années, au regard surtout de ce qui s’est passé depuis le ratage de février 2008.

Car ce n’est aujourd’hui un secret pour personne !  L'immense majorité de nos concitoyens est désabusée par la faiblesse stratégique, la faillite éthique et politique des oppositions politiques que ce soit démocratiques ou armées. Cette faillite est le résultat du clientélisme politique ; du clanisme et de l’incapacité des politiques tchadiens, des opposants en particulier de s’entendre, de se rassembler, de s’unir au tour d’un projet national viable, crédible et alternatif.

 

Face au régime du MPS en pleine mue autoritaire qui n’a souvent de démocratique qu'un caricatural habillage institutionnel qui voile à peine sa substance liberticide, des opposants politiques affichent une incapacité dégénérative d’organisation.  Ils ont pour la plupart prouvé à leurs concitoyens aujourd'hui désabusés qu'ils ont un appétit tout aussi ploutocratique que celui du pouvoir qu’ils sont sensés combattre. Dans ces conditions on comprend bien le peuple leur retire sa confiance pour s’en remettre au diable. La plus part de ces pseudos opposant se retrouvent aujourd’hui à N’Djamena, la queue entre les jambes, pour servir le dictateur qu’ils combattaient pour la fortune publique et le même mépris pour l'Etat de droit.

 

 Alors aujourd’hui nous nous retrouvons pour parler d’exigence éthique, d’objectif cardinal et d’impératif patriotique pour le Tchad. De quoi s’agit-il exactement ?

 

Je pense pour ma part – et c’est aussi l’avis de mes amis du RPDL- que la faiblesse de la résistance tchadienne, tout comme celle du régime de N’Djamena d’ailleurs, est bien connue. Ça s’appelle de tribalisme, clanisme, obscurantisme et improvisation! Pouvoir et opposition, en effet, opèrent toujours en fonction d’un temps court, marqué par l’improvisation permanente, les arrangements ponctuels et informels, les compromis et compromissions diverses, les impératifs de la conquête immédiate du pouvoir ou la nécessité de le conserver à tout prix. Aucun projet de société, aucune vision à long terme de la société tchadienne. Aucune pensée politique nationale. Dans ces conditions on comprend bien que les ralliements des opposants se succèdent en cascades parce que, pour certains de ces pseudos opposants, il faut être présent à la mangeoire. C’est de la politique du ventre qui dictent l’attitude et le comportement politique en général de ces opposants et non l’imaginaire politique, moins encore l’imaginaire du pouvoir. Aucun de ces opposants aujourd’hui ralliés n’est en mesure, ne sera pas en mesure de faire rêver plus d’un tchadien. C’est zéro ! Dans ces conditions on comprend bien, aujourd’hui au Tchad, qu’à l’absence de l’imaginaire structurant de la politique, c’est celui de la guerre, de la violence, du racket civil permanent qui prévaut.  Tant que l’on ne découplera pas la politique et la guerre, le potentiel de violence restera toujours explosif au Tchad.

Nous fêtons aujourd’hui le 52ème anniversaire de l’indépendance de notre pays. Nous ne pouvons ne pas évoquer le rôle de la puissance colonisatrice : la France. Cette France naguère martyrisée, cette France outragée et occupée, mais libérer par les tchadiens ; cette France là pèse et pèsera encore de tout son poids sur le destin souvent mal orienté des tchadiennes et tchadiens.

 

Il y a deux, en effet, on nous disait que la France veut faire de 2010 une « Année de l’Afrique ». Le 15 mai dernier le nouveau Président élu de la France avait consacré 17 secondes de son discours d’investiture aux relations France-Afrique. Et ses lieutenants prennent le relais pour parler de « rapport d’égal à égal » entre la France et l’Afrique. Ce qui est affligeant, c’est la France, cette France justement pour qui nos parents et arrières grands parents donnaient leurs vies, cette France là donne l’impression de n’accepter que du bout des lèvres la démocratisation du Tchad. Oui, c’est affligeant de constater que la France s’est opposée farouchement depuis 1960 à la démocratisation du Tchad, n’hésitant pas, le cas échéant, à créer de rebellions de toutes pièces, à recourir à l’assassinat, voir à la corruption.

Aujourd’hui encore, à tort ou à raison, la France est connue pour son soutien le plus tenace, le plus retors et le plus indéfectible au régime du tortionnaire d’Idriss Deby, à cette satrapie la plus corrompue des satrapies du continent. Par ce soutien la France a, justement,  tourné le dos à la cause tchadienne.

Pourquoi ? Pourquoi cela ? En 2011 la France s’est indignée du massacre des populations civiles à Bengazi par la milice de Kadhafi. Au regard de ce qui se passe au Tchad depuis le 1er décembre 1990, il y a lieu de s’interroger si l’indignation française est sélective ?



[1] Termes empruntés à Achille Bembé.

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