Monsieur Michelot Yogogombaye, je m’attendais à ce que nous menions une discussion un peu plus intéressante sur Hissein Habré, sa politique, son héritage, sur les enjeux de son jugement, sur ce que le Tchad pourrait gagner ou perdre dans cette affaire Habré, … mais ça ne me semble pas être le cas. Vous avez atténué l’intérêt du débat par votre choix de répondre plutôt par une biographie détaillée de votre personne au lieu de mettre de l’accent sur Habré et en insistant sur d’autres points sans véritables enjeux. Vous avez préféré parler de votre vécu sur environ le ¾ de vote texte. C’est votre vie et je vous assure que je la respecte mais elle ne m’intéresse pas au point de vouloir mener un débat ou un échange quelconque. Qui vous a élevé? Vous aviez quel âge à l’époque? Quel est le nom de votre village? Comment s’y rend-t-on ? Quelles sont tes opinions quand tu étais étudiant ? Toutes ces questions qui se focalisent sur votre personne sont probablement intéressantes mais elles n’attachent pas suffisamment mon esprit. Néanmoins, je voudrais faire quelques précisions, par rapport à votre réponse, pour ne pas que ma dernière incursion vous laisse avec une saveur amère.
· A propos de ce que vous considérez comme des insultes à votre égard, il est vrai que j’ai manqué de vous complimenter et je m’en excuse. J’ai aussi utilisé des tournures linguistiques que vous n’appréciez apparemment pas. Nous ne nous connaissons pas au paravent et nous n’avons aucun problème personnel. Par conséquent, je n’ai pas de raison à vous tenir des paroles outrageantes et je ne l’ai pas fait. Vous ne semblez pas être porté sur ma rhétorique et je ne proteste pas. Je vous comprends.
· Il ne peut avoir de vainqueur ou de vaincu entre vous et moi. Il s’agit du Tchad et d’une affaire qui concerne tous les Tchadiens même si nous nous nommons dans nos échanges. Il s’agit d’un problème dont les enjeux dépassent ce qui pourrait se passer entre nous. Seule la raison sera véritablement gagnante.
· En ce qui concerne votre acte 4 sur l’illusion optique, je ne suis d’essence à me laisser distraire par cette attrape. Vous semblez bien maîtriser l’astuce de la monomanie du relatif. Cet artifice que les intellectuels ou les grands instruits aiment tant utiliser quand ils ne veulent pas avouer que les arguments d’un adversaire, lors d’un débat, sont plus susceptibles de raison que les leurs. Donnons un court exemple. Supposons que vous poignardiez au couteau un individu X et que ce dernier meurt. Pour l’enquête et les accusations, un médecin légiste va établir que l’individu X est décédé suite à un coup de couteau. Pour le médecin, c’est donc bien le couteau qui a tué et non une arme à feu, un poison, une maladie ou une personne. Le médecin se contente d’établir la cause de la mort et il établit, après son autopsie, que c’est le couteau qui a tué. Pour la police, c’est vous qui aviez tué et elle cherchera à vous relier au meurtre. Pour le juge, il pourrait dire que vous n’êtes criminellement pas responsable de votre acte à cause de telle maladie mentale si un diagnostique psychologique vient confirmer votre aliénation mentale. En fin de compte, selon qu’on s’adresse à un médecin, à un policier ou à un juge sur la cause du décès de l’individu X, les réponses varient et elles sont toutes vraies. Selon les angles, le coupable est le couteau, vous-même ou votre dérangement psychologique. Monsieur Yogogombaye, je voudrais vous dire que de votre figure d’illusion optique, on peut bien voir ce qu’on voudrait voir ou ne pas voir ce qu’on ne souhaite pas voir. On ne parvient pas à la lumière de la vérité avec une telle recette. Voir un canard ou un lapin dans votre figure ne nous mène nulle part sinon à observer de loin la lumière de la vérité sans y parvenir.
· En 1987, j’étais là à Ndjamena et je n’ai rien fait pour contrer les crimes de Habré mis à part murmurer en solo et me taire brusquement si j me savais épier par un inconnu. J’avais à peine 10 ans à cette période et je n’étais fort qu’à l’ombre de mes parents. Je m’excuse beaucoup de n’avoir rien fait comparativement à vous qui aviez discuté des mots à employer dans un discours appuyant Hissein Habré. Je dois préciser que mon excuse n’est pas un accord pour faire des remontrances à d’autres enfants Tchadiens de 10 ans qui, en général, ne réussissent pas à exprimer efficacement leurs opinions politiques.
· A propos de la langue de Molière : lorsqu’on tente de communiquer le plus clairement possible, on est blâmé et accusé de faire étalage de ses qualités linguistiques. Lorsqu’on se trompe en communicant avec beaucoup de fautes, ce sont les mêmes qui tournent en moqueries nos erreurs. Je ne comprends pas votre reproche. Ce n’est pas un handicap d’essayer de communiquer de manière à se faire comprendre ou écrire sans trop de tares.
Bref, le désaveu de vos opinions n’est une attaque contre votre personne. En ce qui concerne les échanges ou si on peut appeler un débat, si nous le souhaitons, nous les reprendront une autre fois.
Mes sincères salutations.
Joe Al Kongarena
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« Nous
voulons être délivrés. Celui qui donne un coup de pioche veut connaitre un sens à son coup de pioche. Et le coup de pioche du bagnard, qui humilie le bagnard, n’est point le même que le coup de
pioche du prospecteur, qui grandit le prospecteur. Le bagne ne réside point là où les coups de pioche sont donnés… » ANTOINE de Saint-Exupéry, in TERRE DES HOMMES.