14 août 2008
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Ingrid Betancourt se repose en France. Après un pèlerinage à Lourdes, elle a reçu la Légion d'honneur des mains de Nicolas Sarkozy. Imaginez qu'elle reçoive prochainement la facture de sa libération. Impensable? Pas tant que cela. Lundi, dans une autre histoire d'otage, le Tribunal fédéral a estimé que la section suisse de Médecins sans frontières (MSF) devait rembourser la moitié de la rançon versée par les Pays-Bas pour faire libérer Arjan Erkel, son chef de mission détenu dans le Nord-Caucase pendant vingt mois. Très attendu, l'épilogue judiciaire de cette affaire risque de donner des idées à d'autres gouvernements.
A chaque libération, c'est la même chanson. Les Etats jurent ne pas avoir versé le moindre centime. Les jours passant, des sources officieuses suggèrent le contraire et articulent des chiffres avec moult zéros. Puis les autorités concernées de démentir vigoureusement. Le gouvernement colombien n'a pas fait mentir la règle. Pas question d'admettre le moindre versement aux FARC. La libération d'Ingrid Betancourt était une opération militaire rondement menée, point final. A Bogota comme dans les capitales du monde entier, l'aveu d'une rançon équivaut à encourager d'autres ravisseurs potentiels.
A écouter les uns et les autres, personne ne serait prêt à payer quoi que ce soit pour récupérer un ressortissant. C'est pour défendre cette illusion que les Pays-Pas ont attaqué MSF en justice. La Haye prétend avoir «avancé» le million d'euros nécessaire à la libération d'Arjan Erkel, alors que l'ONG assure qu'elle a été tenue à l'écart des négociations.
Peu importe qui dit la vérité. L'essentiel est que le scénario bien huilé des prises d'otages va bientôt s'enrichir d'un nouveau chapitre: les gouvernements se retournant systématiquement contre les ex-otages et leurs employeurs. Cela se faisait déjà mais le jugement rendu par le Tribunal fédéral offre une légitimité totalement usurpée à cette pratique.
On peut, il est vrai, se demander pourquoi les collectivités publiques devraient payer pour les prises de risques des humanitaires ou des correspondants de guerre. La question s'est déjà maintes fois posée, par exemple après l'enlèvement en Irak des journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot, puis de Florence Aubenas. Les autorités françaises avaient alors demandé aux rédactions de ne plus dépêcher quiconque dans ce pays exposé. C'était passer un peu vite sur l'intérêt public de bénéficier d'une couverture indépendante du conflit irakien. De même, les organisations humanitaires viennent en aide à des populations oubliées de tous, y compris des gouvernements.
Pour que les Etats ne disposent pas, avec les menaces de rétorsion financière, d'un veto sur l'envoi de personnel dans les régions chaudes, la création d'un fonds pour régler les rançons des prises d'otages est évoquée depuis plusieurs années. Sans régler la question de l'industrie du kidnapping, chacun pourra ainsi continuer à faire tant bien que mal son travail.
Published by rdpl, pour un Mieux Vivre-Ensemble
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