A propos des revendications des rebelles, un homme d’Etat avait déclaré l’année dernière, qu’ « il n’y a pas de Tchad là-dedans ». Certains de nos amis de la « résistance nationale » viennent de le conforter dans ses affirmations jugées offensantes en son temps. Et de quelle façon ! Des « négociations » de Tripoli, on s’attendait à la signature d’un accord de paix pointu, précis et surtout tenant compte des causes légitimes qui ont conduit Ahmat Hassaballah Soubiane à démissionner du MPS en 2003 pour prendre les armes contre son ex-ami Idriss Déby, désirant rester à vie à la tête de l’Etat, et à s’opposer plus récemment au leadership de Timane Erdimi, stratégiquement placé à la tête de l’UFR par le parrain soudanais. Mais finalement, c’est à une adhésion pure et simple à l’accord du 25 octobre 2007 signé à Syrte que l’on assiste, aujourd’hui, complètement groggy.
De quoi s’agit-il ? Du résultat d’une vraie fausse négociation entre le groupe rebelle dirigé par Ahmat Hassaballah Soubiane et la délégation gouvernementale conduite, dit-on, par le Médiateur National Abderaman Moussa. L’accord dit du 25 juillet 2009, puisque c’est de cela qu’il s’agit, est en effet le produit d’une prétendue négociation qui, visiblement, n’a jamais eu lieu entre les parties en présence. Véritable « copié-collé » de l’accord signé à Syrte le 25 octobre 2007 entre le gouvernement et le groupe UFDD, RFC, UFDD-F et CNT, l’accord du 25 juillet 2009 en reprend, mot pour mot, les 8 principales dispositions essentielles sur les 12 articles que contient cet accord de 2007 dénoncé, un mois après sa signature, par Nouri, Erdimi et Aboud Mackaye.
Aurait-il eut l’once d’une négociation entre les parties, on ne se retrouverait pas avec un accord qui exige, en son article 1er, « le respect de la Constitution de la République du Tchad », tel qu’il a été déjà exactement formulé et imposé par Déby à l’article 1er de l’accord de 2007. Cette disposition, la seule qui mérite attention, n’aurait pas dû figurer dans cet accord, ou du moins pas en ces termes, simplement parce que la principale raison qui a conduit les rebelles à prendre les armes contre Idriss Déby c’est, comme ils l’ont souvent claironné, « la volonté du chef de l’Etat de se maintenir à vie au pouvoir ». Or, s’engager au « respect de la Constitution » modifiée depuis 2005 et autorisant la réélection indéfinie à la tête de l’Etat signifie être contraint à l’attente d’un renouvellement à la tête de l’Etat qui n’adviendra qu’avec la volonté de Déby lui-même, plus sûr que jamais de sa force de dissuasion, ou par la volonté divine qui se manifestera sans prévenir. Aurait-il peut-être fallu préciser les modalités d'application de ce "respect de la Constitution" qui ne devrait pas être une obligation unilatérale, contrairement à ce que désire Idriss Déby.
Faut-il pour autant s’en étonner outre mesure ? Galvanisé par les multiples victoires qu’il a remportées sur ses adversaires, Idriss Déby a dit et répété à maintes reprises que l’accord du 25 octobre 2007 était à prendre ou à laisser. En raison de ses « vertus pacifiantes » aux yeux du chef de l’Etat, l’emprise de l’accord de Syrte (2007) devait être d’autant plus complète sur tous les textes signés avec les rebelles que sa mention noir sur blanc dans l’accord de Tripoli (2009), acceptée par le groupe de Hassaballah Soubiane, semble pouvoir lui accorder désormais une place fondamentale dans toutes les « négociations » futures. Du grand art, en somme, déployé par l’équipe du Médiateur National qui a su, d’une part, démontrer lors de cette « négociation » (qui n’a pas eu lieu) que la partie gouvernementale avait le pouvoir d’imposer sa volonté en toutes circonstances et d’autre part, dévoiler le fait que le groupe de Hassaballah Soubiane n’était pas en réelle position d’exiger plus que ce qu’avaient accepté Ben Barka et Hassan Saleh Aldjinédi en 2007.
On aurait pourtant aimé que les deux années passées, entre 2007 et 2009, à refuser l’adhésion à l’accord de 2007 et à harceler le gouvernement par de multiples escarmouches soient l’occasion de réaliser une « plus-value » sur les sources d’angoisses cédées désormais à Déby en application de l’accord de 2009. Les Soubianistes pourraient tirer argument du fait que leur accord n’est pas en tous points identique à l’accord de 2007 au motif qu’ils y avaient injecté un article 10 au contenu substantiel qui précise que « le Gouvernement du Tchad doit respecter les principes de transparence, de justice et d’équité pour une meilleure répartition des richesses nationales en vue d’un développement équilibré et maîtrisé ». Mais que vaut la portée d’une disposition formulée de façon aussi générale et vague sans réelle originalité par rapport à ce qui s’écrit déjà depuis longtemps sous diverses plumes d’associations des droits de l’homme, de partis politiques et de citoyens s’exprimant librement sur internet ?
Puisque l’une des principales préoccupations de Ahmat Hassaballah Soubiane est le respect de la transparence, et que le Ministère de la moralisation est lui-même infesté de fonctionnaires véreux, pourquoi n’avoir exigé par exemple « la mise en place d’une organisation indépendante de lutte contre les détournements de deniers publics composée d’agents de l’Etat reconnus pour leur bonne moralité financière » qui aura en charge de mener des enquêtes en matière de corruption et des détournements et d’en confier les poursuites à la Justice ? Trop de villas poussent à N’Djamena et appartenant à des fonctionnaires et autres soi-disant hommes d’affaires ripoux sans que personne ne cherche à savoir la provenance de leur richesse. Ces acquisitions sont-elles licites ? Une autre préoccupation des Soubianistes étant « une meilleure répartition de la richesse » pourquoi n’avoir pas exigé « une augmentation significative, de l’ordre de 25%, de salaires avant la fin de l’année », tenant ainsi compte des revendications des fonctionnaires qui vivent dans la misère noire alors que l’Etat se permet d’acheter, de façon exagérée et disproportionnée, des armes avec l’argent du pétrole ?
Lyadish Ahmed
Chroniqueur bénévole
La Dissidence
Presse libre d’investigation et de réflexion politique sur le Tchad