Il y a bien si longtemps, que
Nos cases sont brûlées, nos champs dévastés,
Nos récoltes saccagées, nos arbres fruitiers déracinés
Les tombes de nos pères retournées,
Leurs plants de tabacs arrachés.
Bientôt nos chiens n’aboieront plus
Place aux hululements des hiboux
Crucifiés autour de nos cases.
Et nous ?
Nous sommes là : tristes, solitaires, taciturnes
Dans le noir pourpre de nos consciences bannies.
Les travaux de forage sont achevés, bien longtemps
Le pipeline est posé, qui, déjà
Entaille nos champs de sorgho, de légumes,
Nos vergers, dans leur nudité.
Les barils y sont sortis. Combien? Par millions jour
Des entrailles de nos champs,
De la profondeur de nos mémoires parjurées,
La mémoire insultée de nos ancêtres
Eux qui, plus jamais, ne reposeront en paix
Leur repos éternel !
L’or noir est vendu, des royalties touchées.
Et nous ?
Nous, nous sommes là, dans le noir pourpre
A cracher notre biliaire dans la clameur
Des nuits brillantes de désespoirs.
Oui, il y a bien si longtemps, que
La moisson est finie, mais que nos greniers,
Toujours vides!
Les jours, les mois, les années passent.
Et Nous ? Pour nous,
Point d’espérance à l’horizon,
De sourire aux lèvres,
Ni de confort et du bien-être pour nos enfants. Et,
Demain, plus nous n’ensevelirons nos morts.
Poussières rouges de latérites pour nos estomacs,
Désastre de désastres,
Lot quotidien de notre jeunesse violée,
L’échine dorsale brisée dans son innocence trahie.
Et nous ?
Nous, nous sommes là, toujours dans le noir pourpre
Nous sommes là,
Obligés d’avaler dans le silence de nos meurtrissures ,
A vomir le sang de nos martyrs.
Les gémissements de nos filles et épouses
Violées sous nos vérandas,
Dans la clameur sombre de nos nuits de désespoirs
Et voici que le roi David préside le conseil constitutionnel
De la planification de cruelles injustices,
Dans la fierté de sa conscience
La conscience d’un fils heureux des parents comblés, et
Haroun se charge de l’assemblée des bourreaux
Oracle ! Oracles des peuples, Justice de la Nation !
Et nous ? Nous ?
Nous sommes là. Noyés dans l’océan de détresses,
La désolation et le noir pourpre de notre fierté perdue
Sinistrement saisis, foudroyés de détresses
Planifiées là-bas, là haut, au sommet du pouvoir,
Avec la complicité de certains de nos fils choisis,
Bientôt nos chiens cesseront d’aboyer, nos chats de miauler.
N’y a-t-il plus de baume là-bas, à Doba ?
Moïssala range-t-il sa fierté dans le grenier de la honte ?
Les fils de braises deviennent-ils charbon ?
N’y a-t-il pas un seul médecin de la conscience là bas, à Sarh ?
Moundou s’est-elle vue tondre de sa crinière ?
Les lutteurs de Fianga sont-ils domptés ?
Bongor a-t-il déposée sa crête ?
Kyabé ne se réveillera plus de son sommeil ?
Les fiers guerriers de la Tandjilé,
N’ont-ils plus la fierté de leur cuirasse ?
Le mont Abtouyour est-il définitivement aplani
N’offrira-t-il plus de refuge à ses fils résistants ?
Sommes-nous définitivement dompté ?
Résignés pour toujours ?
Vraiment ? Et
La fierté, notre belle fierté à jamais abîmée ?
Point de convalescence à l’horizon pour notre peuple ?
Voici qu’un nouveau jour de déprimes s’élève pour nos jeunes,
Les yeux de nos mères forment, et
Se transforment en sources de larmes acides
Qui pleurent, jours et nuits,
Les têtes fracassées de nos enfants tombés, qui,
Par balles, par la faim, les maladies, le désespoir.
Jour nouveau de détresses ! N’y a-t-il plus, là-bas,
Aucun héritier, aucun élu pour
Transformer les cœurs de nos tantes éplorés
En fontaine de joie ?
Pleurons,
Pleurons nos pleurs, encore,
Nuits et jours, pleurons nos victimes en silence,
Dans le silence,
Dans le silence de nos divisions, car
Demain c’est l’investiture, à vie !
Et comme toujours,
Haroun sera là, là-bas. Le roi David aussi,
Dans le silence, le silence de leur conscience,
La conscience des hommes heureux
Dans le silence. Dans le silence.
En silence !
Michelot Yogogombaye